6

 

 

Plus tard, toutes lumières éteintes. Par la fenêtre, s’élevant de la rue, la faible lueur de La Nouvelle-Orléans scintillait péniblement, au ralenti, dans la fraîcheur du petit matin, et Ray Hartmann se demandait pourquoi il avait choisi cette vie.

Une vie de crimes, si vous voulez ; les crimes des autres, mais des crimes tout de même.

Tout comme les flics, les agents du FBI, les coroners et les médecins légistes, tous ceux dont le sort était de ratisser les bas-fonds de l’Amérique, de retourner les pierres, de fouiller dans les recoins obscurs pour découvrir ce qui s’y cachait, lui aussi avait fini – par un hasard heureux ou non – par se trouver chargé de cette mission. Les tueurs, les violeurs en série, les tueurs à gages, les meurtriers, les agresseurs d’enfants, les assassins, les psychopathes, les sociopathes, les coupables, les tourmentés, les torturés et les dépravés. Ici, dans toute sa gloire resplendissante, se trouvait ce que le monde avait de pire à offrir, et Hartmann – qui ne souhaitait désormais rien de plus que la sécurité et la sérénité pour lui et sa famille – marchait une fois de plus au bord de l’abîme, regardant vers le bas, bravant les lois de la gravité, défiant son propre sens de l’équilibre pour voir si cette fois, rien que cette fois, il tomberait.

À New York, dans les bureaux qu’il partageait avec Luca Visceglia et l’équipe, étaient conservés les détails de centaines de milliers de vies anéanties par toute une série de types fous à lier. Même la publication en 1997 par le FBI de quinze mille pages de documents relatifs à la mafia, à la mort de Kennedy, à celle de Jimmy Hoffa, au fonctionnement du syndicat des routiers et au meurtre de leurs associés et acolytes, ne disait pas à quel point le gouvernement et ses nombreuses branches avaient été infectés par la corruption et une malhonnêteté machiavélique. Même Hoover, peut-être le plus habile et fourbe hypocrite de tous, avait un jour commenté : « Je n’ai jamais vu tant de machinations... »

Ray Hartmann avait passé des centaines d’heures plongé dans l’histoire et l’héritage de ces personnes. Il se rappelait parfaitement les conversations sans fin que Visceglia et lui avaient eues dans le petit bureau qu’ils avaient partagé au début. À l’époque, Hartmann pensait connaître les méthodes et les mobiles de ces gens, mais Visceglia lui avait démontré sa naïveté.

« Il n’y a jamais vraiment eu que les familles Gambino et Genovese, lui avait expliqué Visceglia. Elles étaient établies bien des générations avant tout ce à quoi nous avons affaire maintenant. Ces familles criminelles se sont partagé New York comme si la ville leur appartenait... comme si elle leur avait toujours appartenu. »

Visceglia fumait comme un pompier, il buvait trop de café. Il semblait considérer sa place sur terre en philosophe résigné et porter le poids de ce sombre monde sur ses épaules, épaules qui fléchissaient sous la pression, mais qui ne flanchaient jamais.

« Tendu ? » lui avait un jour demandé Hartmann, et Visceglia avait souri avec ironie et hoché la tête comme si c’était l’euphémisme du siècle avant de répondre : « Tendu ? Comme le putain de pont de Brooklyn, Ray... Comme le putain de pont de Brooklyn. »

Hartmann avait saisi le message mais n’avait su quoi dire. Étant donné le boulot qui les occupait, qu’y avait-il à dire ?

« Des milliards de dollars, avait poursuivi Visceglia. Et ces familles possèdent des territoires partout à travers le putain de monde, le tout accumulé en quelques décennies. C’est parfois difficile à croire, franchement difficile à croire. Les pertes humaines ne les émeuvent pas plus que la perte de cinq dollars au poker. Ces familles sont là depuis toujours... et c’est d’elles que viennent tous les noms que tu as entendus, des gens comme Lucky Luciano, Bugsy Siegel, Meyer Lansky et Al Capone. »

Visceglia secouait la tête et soupirait. Et quand il faisait ça, on avait l’impression qu’il allait se vider et se volatiliser.

« La famille Genovese, c’est de là que venait Joseph Valachi, et il leur a foutu à tous un sacré coup quand il a témoigné à la commission des enquêtes permanentes du Sénat en septembre et octobre 1963. C’est Valachi qui a utilisé le terme Cosa nostra, « la chose qui nous appartient », et ce qu’il a raconté à la commission a foutu une sacrée trouille à tous ceux qui l’ont entendu. Au bout du compte, ce qu’il avait à dire n’incriminait personne assez directement pour pouvoir les inculper, mais ça a été un vrai tournant pour les familles.

— J’ai lu des choses sur le sujet, avait déclaré Hartmann. Toute cette histoire de loi du silence...

— L’omerta. Valachi a violé l’omerta... il a été l’un des rares mafieux à le faire et il a mis à jour un sac de noeuds qui donnait un meilleur aperçu des luttes de pouvoir et des opérations armées de la mafia que n’importe quel autre témoignage.

— Tu sais pourquoi il a fait ça ? avait demandé Hartmann.

— J’ai mon idée, oui », avait répondu Visceglia en hochant la tête.

Hartmann avait arqué un sourcil, attendant la suite. Il était tard, il aurait dû être sur le chemin du retour, mais ce sujet l’intriguait autant qu’il le consternait.

« Valachi a rejoint l’organisation de Salvatore Maranzano à la fin des années 1920 et il a servi sous les ordres de Maranzano jusqu’à ce que celui-ci se fasse assassiner en 1931. Après ça, Valachi a été aux ordres de Vito Genovese au sein de la famille Luciano. Il n’était rien de plus qu’un homme de main, un simple soldat. C’était un tueur à gages, un gros bras, un bookmaker et un dealer de drogue, et il faisait tout ce qu’on lui disait de faire. Il s’est fait pincer en 1959 et il a pris entre quinze et vingt ans pour trafic. Il s’est retrouvé au pénitencier d’Atlanta en Géorgie, et là il a plus ou moins perdu la boule – peut-être à cause de l’emprisonnement, peut-être de la solitude – et il s’est foutu dans le crâne que Vito Genovese l’avait accusé d’être un informateur et avait ordonné sa mort. Il a confondu un autre prisonnier nommé Joe Staupp avec un tueur à gages nommé Joe Beck. Valachi a tué Staupp avec un tuyau d’acier et il s’est pris perpète. Ce n’est qu’à ce stade qu’il a décidé de devenir informateur. Il voulait être placé sous protection fédérale, et c’était pour lui le seul moyen d’y arriver. La seule chose de valeur qu’il possédait était dans sa tête. »

Visceglia avait souri avec une fois encore cet air de philosophe résigné.

« Le plus ironique, avait-il poursuivi, c’est que quand Valachi s’est pointé aux auditions de la commission des enquêtes permanentes du Sénat, il était gardé par pas moins de deux cents marshals. Il avait plus de gardes du corps que le putain de président. La mafia a offert une récompense de cent mille dollars pour sa tête. Mais Valachi a tout de même continué de nommer plus de trois cents membres des familles mafieuses et il a décrit l’histoire et la structure de la mafia avec une multitude de détails jusqu’alors inconnus. Valachi a nommé Lucky Luciano comme la voix la plus importante de la mafia. Il leur a parlé de la conférence de La Havane et a expliqué que, même en exil, Luciano n’avait jamais cessé de contrôler les affaires. Il a balancé Meyer Lansky comme le second de Luciano. La famille a commencé à appeler Valachi Joe Cargo. Ce qui est devenu cago, “merde” en italien. »

Visceglia s’était esclaffé et avait allumé une nouvelle cigarette.

« Valachi n’était pas Einstein. C’était juste un gros bras, et l’essentiel de ce qui est sorti de sa bouche pendant ces auditions a été discrédité après coup. Visiblement, sa bande le connaissait suffisamment bien. Ils lui avaient raconté tout un tas de conneries que Valachi avait prises au pied de la lettre. Quoi qu’il en soit, les propos de Joseph Valachi et ses mémoires publiés par la suite ont eu un effet dévastateur sur la mafia. C’est à partir de là que tout a commencé à foutre le camp. Si Valachi ne s’était pas fait pincer et s’il n’avait pas babillé comme un putain de canari, qui sait ce qui serait arrivé ? »

Visceglia avait marqué une pause et secoué la tête.

« La vérité, c’est que, après le témoignage de Valachi, la police de New York a communiqué une statistique très intéressante. Jamais autant de membres des familles de New York, du New Jersey et du Connecticut n’avaient été emprisonnés au cours des trente années qui avaient précédé le témoignage que pendant les trois qui avaient suivi. En ce qui concernait les fédéraux, il avait fait ce qu’il avait fait, bien ou mal, et même si rien de ce qu’il avait dit ne désignait directement qui que ce soit, ça avait permis d’éveiller les consciences du public et des politiques sur ce qui se passait et ce dont ces gens étaient capables.

— Et maintenant ? avait demandé Hartmann.

— Maintenant ? Eh bien, c’est plus ce que c’était. Les choses ne sont plus jamais comme dans le temps... Qu’est-ce que tu veux, hein ? On y pense, et puis on oublie, pas vrai ? »

Hartmann avait éclaté de rire. Visceglia, en dépit des images, des histoires, des vies perdues, des morts auxquelles il avait assisté, en dépit de tout ce qu’il portait sur ses épaules, parvenait à conserver un certain humour pince-sans-rire. Il n’était pas marié, et un jour Hartmann lui avait demandé pourquoi.

« Marié ? Un type comme moi ? Ce ne serait pas juste d’entraîner là-dedans quelqu’un qui n’a rien demandé. »

Hartmann comprenait ce qu’il voulait dire, mais il croyait que – peut-être – il possédait suffisamment de force de caractère pour maintenir un semblant de détachement et d’objectivité. Il croyait pouvoir vivre deux vies, une au travail et une à la maison, et ça n’avait été que plus tard qu’il avait vu combien l’une pouvait insidieusement envahir et perturber l’autre.

Complexe et presque indéchiffrable, incestueuse et népotique, la mafia était une hydre qui avait survécu à toutes les tentatives d’éradication. Elle n’avait pas d’existence tangible. C’était un spectre, une série d’ombres interconnectées et pourtant séparées. Si vous la saisissiez par un bout, elle vous échappait irrévocablement des mains par l’autre. C’était « notre chose », et ceux à qui appartenait cette cause étaient peut-être plus loyaux que n’importe quel corps officiellement reconnu auquel ils étaient confrontés.

Et Hartmann, en dépit des heures passées à lire des dossiers et des transcriptions, en dépit des cassettes qu’il avait écoutées, des rapports sur lesquels il s’était endormi, n’avait jamais vraiment réussi à saisir la signification de cette « famille ». Ces gens semblaient bel et bien être la lie du genre humain, et il s’était souvent demandé s’il ne ferait pas mieux de s’écarter du bord de l’abîme, de faire trois pas en arrière et de tourner le dos à tout ça. Et pourtant, même aux périodes les plus sombres, même lorsqu’il comprenait que le poids qu’il portait sur ses épaules était l’un des principaux facteurs qui le poussaient à boire, et que boire était ce qui ferait irrémédiablement partir sa femme et son enfant, il était néanmoins incapable de détourner les yeux. Son intérêt morbide était devenu une fascination, puis une obsession, puis une addiction.

Et maintenant, il était étendu sur son lit d’hôtel, l’écho de la conversation qu’il avait eue plus tôt dans la soirée résonnant toujours dans sa tête, et quand il réfléchissait à sa situation et à ce qu’elle impliquait, une angoisse noire, quasi insupportable, le saisissait.

« Vous resterez ici jusqu’au bout, lui avait dit Schaeffer d’un ton absolument neutre qui n’autorisait aucune contradiction. Vous êtes un employé du gouvernement fédéral et, en tant que tel, vous travaillez désormais dans notre juridiction. Ce que nous disons a valeur d’ordre, un point c’est tout. La vie d’une jeune fille est en jeu, et pas n’importe quelle jeune fille, la fille d’un des politiciens les plus importants du pays. Charles Ducane est un ami de fac du vice-président, et il est hors de question que l’un de nous dise non au vice-président. Vous comprenez cela, monsieur Hartmann ? »

Ray Hartmann avait acquiescé. Oui, il comprenait, il comprenait qu’il n’avait aucun choix en la matière. Il observait le visage de Schaeffer tandis que celui-ci parlait, tandis que les mots franchissaient ses lèvres, et pourtant tout ce qu’il voyait, c’étaient les visages de sa femme et de sa fille lorsqu’elles arriveraient au parc de Tompkins Square le samedi suivant et que lui n’y serait pas. C’était tout ce qu’il voyait. Et il entendait aussi quelque chose, la voix de Jessica demandant : « Où est papa ? Pourquoi il est pas là ? Il a dit qu’il serait là, pas vrai maman ? »

Et Carol serait obligée d’expliquer une fois de plus que papa n’avait pas vraiment le même emploi du temps qu’elles, que papa avait des choses très importantes à faire, que papa voulait venir et qu’il devait y avoir une bonne explication à son absence. Mais en son for intérieur, Carol le maudirait, elle se dirait qu’elle avait été idiote de croire qu’il tiendrait sa promesse, que Ray Hartmann était toujours le raté égocentrique, désorganisé et alcoolique qu’il avait toujours été.

Mais ce n’était pas la vérité. Il n’avait pas toujours été égocentrique, ni désorganisé, et il n’était certainement pas alcoolique. C’était ça qui l’avait poussé à boire, cette vie, ces gens, et maintenant il retombait dans les mêmes travers en dépit du fait qu’il s’était promis que cette année, cette année sans faute, serait celle où il laisserait tomber ce boulot de dingue.

Hartmann se retourna et enfonça son visage dans l’oreiller. La Nouvelle-Orléans était là, dehors, cette même Nouvelle-Orléans qu’il avait quittée en se jurant de ne jamais y revenir. Mais il était revenu et, en revenant, il avait rapporté toutes les valises qu’il pensait avoir laissées derrière lui. Il ne les avait jamais vraiment posées, et leur contenu, ces choses qui l’effrayaient tant qu’il n’osait pas les regarder, avait toujours été là. On ne lâche jamais rien, on se leurre juste en pensant s’en être sorti. Mais comment s’en sortir lorsque ces choses sont, ont toujours été, et seront toujours, une composante intrinsèque de votre personnalité ?

Il sentait une tension dans sa poitrine, avait du mal à respirer. Il se retourna et regarda fixement le plafond, suivant des yeux les marques projetées par les phares des voitures qui tournaient au bout de la rue sous sa fenêtre et s’enfonçaient dans l’obscurité. Dehors, se trouvaient des gens plus simples, aux vies plus simples. Certes, ils mentaient, trichaient, se trahissaient mutuellement et avaient chacun leurs regrets, mais ces choses leur appartenaient ; ils n’étaient pas assez dingues pour porter leurs propres fardeaux plus ceux du reste du monde.

Peut-être que ça ne serait jamais facile. D’ailleurs, personne ne lui avait jamais dit que ça le serait. Mais personne n’avait non plus jamais laissé entendre que ce serait si dur.

Hartmann se redressa, attrapa ses cigarettes et en alluma une. Puis il alluma la télé et laissa les sons et les images se brouiller dans son esprit jusqu’à ne plus avoir la moindre idée de ce qu’il regardait ni pourquoi. Ça fonctionna une minute, peut-être deux, mais la voix qu’il avait entendue au téléphone ne cessait de lui revenir, comme si elle avait rampé le long de la ligne pour venir lui envahir la tête.

Et les premières paroles qu’il avait entendues, ces paroles qui n’auraient pas pu être pires.

« Monsieur Ray Hartmann... bon retour à La Nouvelle-Orléans... »

Un frisson de peur lui avait parcouru la colonne vertébrale pour venir se loger à la base de sa nuque. Il avait massé ses muscles noués, ouvert la bouche comme pour parler. Puis il avait regardé Schaeffer de biais, et rien n’était sorti. Pas un mot.

« Vous allez bien, monsieur Hartmann ? » avait demandé la voix.

Schaeffer lui avait donné un petit coup à l’épaule pour le faire réagir.

« Aussi bien que possible.

— Je suppose qu’on vous a ramené de force à la maison... Avez-vous réussi à vous persuader que vous étiez chez vous à New York ? »

Hartmann était resté silencieux.

Schaeffer lui avait une fois de plus touché l’épaule, et Hartmann aurait voulu se lever d’un bond et lui écraser le combiné en pleine tronche. Mais il ne l’avait pas fait. Il était resté cloué sur place et avait senti la sueur poindre sur ses paumes.

« Non, je ne me suis persuadé de rien, avait-il répondu.

— Alors, vous et moi avons quelque chose en commun, monsieur Hartmann. En dépit de tout, de toutes ces années, de tous les endroits où je suis allé, je suis comme vous... J’ai toujours La Nouvelle-Orléans dans le sang. »

Hartmann n’avait rien répondu.

« Bref, je suppose que M. Schaeffer et ses agents fédéraux sont occupés à essayer d’identifier l’origine de cet appel. Dites-leur que c’est sans importance. Dites-leur que j’arrive. Je viens pour vous parler, monsieur Hartmann, pour vous raconter des choses.

— Des choses ? »

L’homme à l’autre bout du fil avait ri doucement. « Vous et moi, nous serons comme Robert Harrison et Howard Rushmore.

— Qui ça ? avait demandé Hartmann en fronçant les sourcils.

— Harrison et Rushmore... ces noms ne vous disent rien ?

— Non. Ils devraient ?

— Robert Harrison et Howard Rushmore, les éditeurs de Confidential. Vous savez, le magazine « sans censure et indiscret », le magazine qui « donne les faits et cite les noms ». Vous en avez entendu parler ?

— Oui. J’en ai entendu parler.

— C’est ce que nous allons faire, vous et moi. Nous allons passer un peu de temps ensemble, et je vais vous dire des choses que vos collègues fédéraux ne voudront peut-être pas entendre. Et voici le marché. Je viens à vous. Je veux être traité avec dignité et respect. Je vous dirai ce que je veux que vous sachiez. Vous pourrez faire ce qui vous plaira des informations que je vous donnerai et, quand j’en aurai fini, je vous dirai où vous pourrez trouver la jeune fille.

— Catherine Ducane.

— Non, monsieur Hartmann, Marilyn Monroe ! Bien sûr, Catherine Ducane. Il s’agit d’elle, non ?

— Et elle va bien ?

— Aussi bien que possible étant donné les circonstances, monsieur Hartmann, et je ne vous en dirai pas plus ce soir. Comme je vous l’ai expliqué, je vais venir et je vous dirai ce que vous devez savoir.

— Comment vous reconnaîtrai-je quand vous viendrez ? » L’homme s’était esclaffé.

« Oh, vous saurez qui je suis, monsieur Hartmann. Ça, je peux vous l’assurer, ce sera le dernier de vos soucis.

— Et quand viendrez-vous ?

— Bientôt, avait répondu l’homme. Très bientôt.

— Et... »

La communication avait soudain été interrompue. Hartmann avait continué de tenir le combiné contre son oreille, même si tout ce qu’il entendait, c’était le bourdonnement de la ligne déconnectée dans les haut-parleurs installés à travers la pièce.

Il avait frissonné, fermé les yeux, lentement replacé le combiné sur son support et il s’était tourné vers Schaeffer.

Kubis était alors apparu dans l’entrebâillement de la porte, le visage rougi, visiblement au comble de l’agitation.

« A deux rues d’ici ! avait-il hurlé. Le coup de fil a été passé à deux rues d’ici ! »

Schaeffer s’était mis en mouvement avec une vitesse surprenante pour un homme de sa taille et il avait quitté la pièce avec trois agents à sa suite. Mais ils avaient eu beau sortir du bâtiment en courant, s’élancer au pas de charge dans Arsenault Street, manquer de se faire tuer en traversant le carrefour au milieu des voitures et atteindre en moins de trois minutes la cabine d’où avait été passé le coup de téléphone, ils n’avaient rien trouvé. Et Schaeffer savait qu’il n’y aurait pas d’empreintes. Il savait que la marque de l’oreille de l’homme, qui pouvait être aussi révélatrice qu’une trace d’ADN, aussi unique qu’un scan rétinien ou qu’une empreinte digitale, aurait été essuyée du combiné. Mais il avait tout de même ordonné que la cabine soit sécurisée et que le combiné soit examiné au microscope, même si, au fond de lui, il savait qu’il le faisait juste pour la forme.

Puis il avait regagné le bureau, échangé quelques paroles avec Hartmann. Lui avait donné sa feuille de route et avait ordonné à un agent de veiller à ce que Hartmann ne quitte pas l’hôtel Marriott situé à proximité.

Et c’est là que se trouverait Hartmann, étendu sur le lit, à fumer une cigarette en regardant la télé aux petites heures du samedi 30 août, à une semaine de son rendez-vous avec Carol et Jess. À une semaine de sa première véritable chance de reconstruire sa vie.

C’est comme ça, pensait-il. C’est comme ça, Ray Hartmann.

Au bout d’un moment, il couperait le volume et continuerait de regarder les lumières de l’écran osciller sur les murs. Il sentirait la tension dans sa poitrine, une sensation d’étouffement, et il saurait-il saurait avec une certitude absolue – qu’on n’échappait jamais à ces choses, car ces choses venaient toujours de l’intérieur.

Ainsi allait son monde.

Vendetta
titlepage.xhtml
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_000.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_001.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_002.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_003.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_004.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_005.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_006.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_007.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_008.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_009.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_010.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_011.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_012.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_013.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_014.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_015.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_016.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_017.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_018.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_019.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_020.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_021.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_022.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_023.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_024.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_025.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_026.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_027.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_028.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_029.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_030.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_031.htm
Ellory,R.J-Vendetta(A quiet vendetta)(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_032.htm